"Qui n'a pas perdu quelques heures de sa pauvre vie dans une laverie, ne peut dire avoir vraiment vécu." Tel serait ma leçon de vie si je devais enseigner quelque chose aux générations futures.

Car point d'humanité à la waschmaschine, si ce n'est quelques hypocrites bonjour/au revoir histoire de nous faire croire que nous ne sommes pas des animaux.

Mesdames messiers, bienvenue dans l'antre de toutes les mesquineries, où n'importe quelle sainte nitouche sortie de je ne sais quelle usine à cul-béni lance des regards plus noirs qu'un chat auquel on aurait ôté ses croquettes.

Nous pourrions penser qu'habitant le 8ème arrondissement de Paris, la laverie-réalité en serait changé. Certes oui, nous évitons les mamas chargé du linge de leurs 15 enfants et les crevards qui dorment sous les néons. Mais en échange, nous héritons de spécimens tout aussi extravagants. Vraiment.

Mais avant tout un bref état des lieux. Après deux ou trois mois de pourrissements textiles dans un coin exigu de notre appartement, le constat est accablant. Plus un slip à se mettre et les autres puent ignoblement. C'est mardi, l'heure de la laverie.

Le moment est à choisir minutieusement mais pas trop. Car les théories se transforment souvent en immense fiasco. Ceci dit, si vous n'êtes pas très sport, s'y rendre pendant des matchs de coupe du monde de football ou de rugby reste une valeur sûre. Hors grand évènement de beauferie nationale et si on a le malheur de compter parmi les actifs, on n'a pas vraiment le choix. Mais éviter le week-end semble tout de même être un choix rudement judicieux.

A l'arrivée, c'est souvent le drame. Plus de machine ou alors seulement la 18. "Celle qui marche mal, met deux heures à se faire, et qu'on réserve aux touristes". Tout le monde est à cran. "Vous attendez depuis longtemps ?", "Oui depuis une heure, ces abrutis squattent 8 machines à 4". Ah ? Mais qui est assez stupide pour laver 3 slips dans 20 litres d'eau et 100 grammes de poudre senteur soude ? Nos amis du Qatar, prisonniers d'une curieuse religion liberticide leur interdisant de laver leur linge à l'hôtel.

Attendre 2h30 à la laverie en patientant devant des hublots contenant un calbut et une paire de chaussette nike, franchement, c'est mon kif. D'ailleurs c'est le cas de pas mal de personne apparemment, car ce jour là, nous étions nombreux sous le scintillement des 40 néons.

La magie comportementale peut enfin opérer. Toutes les entourloupes imaginables pour piquer la machine du voisin parti faire de la monnaie. Les nouveaux arrivants squattant devant une machine bientôt cuite et auxquels il faut patiemment expliquer que tu attends depuis une heure et que ça ne va pas le faire. Les nanas complètement psychotiques qui occupent les surfaces disponibles au-dessus des hublots pour plier leur linge et ne supportant pas que tu bouges leur petite culotte pour mettre de la soude à la lavande dans ton compartiment à détergent.

Pourtant tout avait été si bien calibré ! On met le linge, le programme B, et on revient dans une heure, le temps d'une pizza Pino. Mais non. Le sort en a voulu autrement. Une machine qui se libère toutes les demi-heures et le même cirque pour le séchage. Le tout accompagné de grand soufflement, regards froids, messes basses et débuts d'ulcères grandissants.

Ainsi, le mardi à la laverie, on prend conscience de pleins de choses sur la psychologie humaine à l'échelle de madame Michu. On cherche d'abord un consensus, et on finit comme les autres : aigris, hargneux, maudissant son voisin comme un ennemi de toujours. Une grande leçon de vie, presque aussi bien que vivre dans une unité de construction à Bron. Mais ça, c'est une autre histoire.

Zut et flûte ! Je me suis encore fait doubler.