Supercell, l’éditeur de jeux mobiles qui gagne un million de dollar par jour avec deux titres

Quand on pense aux jeux mobiles, on cite souvent Angry birds, Fruit Ninja ou Temple Run.
Pourtant, de nouveaux acteurs, encore méconnus de la presse grand public, sortent des titres beaucoup plus lucratifs. Un tour d’horizon du marché et quelques informations sur son leader, la « petite » société finlandaise Supercell.

Qui sont les nouveaux best-sellers de l’App Store en 2012-2013 ?

Clash of Clans, CSR Racing, Rage of Bahamut, ou encore Dragonvale (le plus ancien de tous)… Si ces noms ne disent rien pour vous, ils sont en revanche sous le radar des analystes depuis quelques temps. Ces titres réussissent le tour de force de se partager le top 10 Grossing iOS (le top rentabilité) depuis des mois, sans jamais redescendre, bien au contraire.

S’ils possèdent tous un point commun, celui de proposer une application gratuite contenant du micro-paiement appelée « freemium », ils n’utilisent pas forcément tous les mêmes mécaniques d’achat.

Les différentes mécaniques d’achat des freemium

Le plus simple et le plus évident est de monétiser du contenu additionnel au jeu comme des éléments de personnalisation et divers autres objets. Angry Birds, Cut the rope et bien d’autres l’ont utilisé ou l’utilisent encore pour vendre des packs de niveaux optionnels. C’est le principe de monétisation le plus limité car une fois que tous les contenus disponibles sont achetés, il n’y a plus rien à vendre.

Une autre solution consiste à mettre en vente des éléments qui vont influer sur le score, comme une arme plus puissante. Dans le jargon on appelle cela du « buy for power ». Ce principe est utilisé dans la plupart des running game comme Temple Run, Jetpack Joyride ou le plus récent Subway Riders. Souvent, l’objet n’est utilisable qu’une fois et l’on doit le racheter à chaque partie. Pour faire en sorte que ce ne soit pas mal perçu par le joueur, l’achat ne doit pas obligatoire. La monnaie virtuelle étant aussi récoltable dans le jeu, il faut juste y passer plus de temps.

Mais Dragonvale, Clash of Clans, et beaucoup d’autres ont choisi une voie différente. Ils se sont inspirés des jeux de « farming », dont le plus connu est certainement Farmville de Zynga. Dans ces jeux, le joueur est encouragé à payer pour réduire les durées de construction des bâtiments, unités, upgrades… Cela peut aller de quelques secondes à plusieurs jours. Si vous voulez que le bâtiment soit prêt immédiatement, il faudra mettre la main au porte-monnaie.

Réussir là où d’autres s’essoufflent.

Supercell, développeur et éditeur de Clash of Clans et Hay Day a donc choisi de se focaliser sur le dernier modèle. Difficile pari que de sublimer ce qui semblait avoir déjà été surexploité par Zynga, à travers ses jeux Facebook et mobile.

Le parcours d’Ilkka Paananen, le CEO, est un des éléments peut nous aider à comprendre en quoi Supercell est différent. En 2000, à 23 ans, il monte Sumea, un studio de développement de jeux mobiles qui rencontre quelques succès avec ses jeux J2ME et Symbian S60

En 2004 la société est rachetée par Digital Chocolate. Il est promu manager Europe, puis président. En Février 2011, il quitte ses fonctions pour créer Supercell et convainc les meilleurs éléments de le suivre.

Sans savoir exactement ce qu’ils avaient dans leur tiroir à ce moment-là, on peut imaginer que c’est déjà du solide, puisqu’Accel – le VC de Spotify, Baidu, Groupon et … Facebook – investit la coquette somme de 12 millions de dollars dans leur société d’à peine 3 mois.

Les débuts pourtant, et malgré 10 ans d’expérience dans le jeu mobile, ne sont pas glorieux. Supercell mise sur le jeu social cross-platform et ne parvient pas à se démarquer.

Ils font alors le pari de se focaliser sur une plateforme : la tablette d’Apple, l’iPad, même si le jeu reste jouable sur l’iPhone évidemment. Hay Day puis Clash of Clans seront les deux uniques titres issus de cette stratégie, deux énormes succès.

A mi-chemin entre Farmville et un RTS multi-joueur

A première vue, en lançant Clash of Clans, on n’est pas bluffé. Graphiquement, c’est propre, mais les animations ne sont pas fluides. Le tutorial ressemble à tous les jeux du genre. Passées ces premières minutes un peu décevantes consacrées à disposer vos premiers bâtiments dans votre espace, vous découvrez enfin le cœur du jeu : les combats contre les autres campements.

En prenant d’assauts les camps ennemis, vous récoltez deux types ressources, vitales pour upgrader votre camp et vos soldats. Rien de neuf quand on connait les jeux de stratégie temps réel, mais la richesse du contenu et l’attente constante pour pouvoir effectuer une action, rend le joueur complètement addict.

La monétisation

Contrairement aux autres freemium, aucunes bannières ou interstitiels viennent dégrader l’expérience de jeu. Les achats intégrés sont relativement cher, surtout dans Clash of Clans, et seul Hay Day propose un « offer wall » comme alternative au micro-paiement.

Le principe : télécharger d’autres jeux, applications ou s’inscrire à des services, en échange d’une monnaie virtuelle utilisable dans le jeu. Selon les développeurs, les revenus via ce système alternatif à peine toléré par Apple qui ne perçoit aucun revenu dessus, n’est pas du tout négligeable. Pas étonnant selon moi puisque c’est le système le plus utilisé dans notre jeu AR Defender 2.

Cependant, il faut reconnaître que ces offres cannibalisent en partie les achats intégrés. C’est certainement une des raisons pour laquelle Hay Day a bien de la peine à être un jour numéro 1 du top Grossing, alors que Clash of Clans le truste depuis des mois.

Une logique 100% connectée parfaitement maitrisée

Clash of clans, ce freemium atypique sans publicité aux achats intégrés hors de prix, au gameplay pas si casual et traduit dans aucunes langues asiatiques, démonte déjà pas mal d’idées reçus. Mais la chose la plus incroyable dans ce jeu, c’est qu’il nécessite une connexion internet permanente. Si vous n’avez pas de connectivité pendant 1 seconde, vous êtes déconnectés. Contraignant pour un jeu qui se joue surtout sur iPad ! Pas de parties dans le métro donc.

Par contre, les avantages pour Supercell sont immenses. Ils peuvent par exemple bloquer l’utilisation du jeu si vous ne faites pas les mises à jour, et ils ne s’en privent pas. Ils peuvent réduire la fraude en sécurisant les achats intégrés via leur serveur. Enfin, ils monitorent les actions de millions de joueurs, un trésor inestimable pour un game designer et marketeux, même si cette logique est utilisée depuis quelques années déjà par les éditeurs de jeux sociaux sur Facebook (Et oui, vous êtes traqués).

Le vrai gain se situe au niveau du gameplay. Vous ne pouvez attaquer un camp adversaire uniquement si le joueur en face est déconnecté. Cela vous encourage ainsi à rester très souvent connecté, sachant que bien sûr, le jeu vous expulse automatiquement du serveur s’il ne voit pas de signe de vie.

Dès que votre iPad est éteint… le stress commence. Les notifications vous informeront des éventuelles attaques, et vous serez tentés de rallumer votre iPad pour constater les dégats, qui ne sont jamais si terribles que ça, pour ne pas frustrer le joueur.

Un marketing agressif pour se maintenir dans le top.

Il ne suffit pas d’avoir un jeu de grande qualité avec un ARPU très élevé pour rester en haut du classement quand des centaines de jeux débarquent tous les jours sur le store. Après avoir sécurisé son lancement grâce à un « soft launch » de deux mois, uniquement au Canada, et donc validé le haut potentiel rémunérateur du titre, Supercell s’est lancé dans une campagne de publicité de grande ampleur.

Si eux ne mettent pas de publicité dans leur jeu, je pense que tous les jeux mobiles intégrant des affichages publicitaires ont déjà fait la promotion de Clash of Clans. Chartboost, Tapjoy, W3i, toutes régies de bannières comme iAD, inmobi, millenial, mobclix, jumptap, a priori, ont été trusté par Supercell.

Combien réinvestissent-ils dans la publicité chaque mois ? Je ne sais pas, mais par le passé, on a pu entendre des chiffres allant jusqu’à 30% chez Zynga.

Le goût du risque

Je pourrais encore parler longuement de Supercell et Clash of clans. L’essentiel est de retenir ces quelques points clefs. Supercell est une jeune société, mais le CEO et ses collaborateurs ont plus de 10 ans d’expérience dans le jeu mobile. Ils tordent le cou à beaucoup d’idées reçus en s’étant focalisés sur les tablettes avec un jeu 100% connecté sans publicité, et en s’adressant à une cible pas si casual.

Ainsi, il faut aussi leur reconnaitre de l’audace, et une certaine prise de risque. D’ailleurs, le CEO déclare dans une interview que quand ils prennent la lourde décision de ne pas aller au bout d’un projet, ils offrent une bouteille de champagne à l’équipe qui en était responsable. Plutôt original.

On ne peut pas parler de chance ni de hasard, Supercell est une machine de guerre qui a réussi un tour de force incroyable : gagner plus d’argent avec 2 jeux et un effectif de 70 personnes (20 en 2011) qu’Electonic Arts Mobile avec 969 titres sur iOS et ses milliers d’employés. C’est la preuve que d’une part les géants de l’industrie mobile peuvent très vite être dépassés par des petites structures efficaces, mais que d’autre part, ces success-story ne sortent pas de nulle part. Rovio, l’autre éditeur finnois jadis numéro 1, a sorti un nombre absolument hallucinant de titre entre 2003 et 2009 avant de connaitre le succès qu’on connait avec Angry Birds.

Des contre-exemples, bien sûr qu’il y en a. Mais des contre-exemples qui gagnent le quart de ce qu’a pu gagner Rovio et le dizième de ce que gagne Supercell aujourd’hui ?

One Comment on "Supercell, l’éditeur de jeux mobiles qui gagne un million de dollar par jour avec deux titres"

  1. Masa dit :

    Je déplore totalement ce type de jeu. Il n’ y a que dans Punch Quest utilisé l’ IAP (€0.89), afin de récompenser les développeurs car le jeu était gratuit. De plus, les items achetés n’offraient aucun bonus dans le jeu ;) .
    J’ai aussi essayé le jeu de Sega Kingdom Conqsuest II, mais le fait de devoir rester en ligne tout le temps ma saoule énormément, de plus, arriver à un certain level, l’IAP est obligatoire, dommage.
    Je préfère de loin payer un prix plus élevé pour un jeu que de devoir passer souvent à la caisse afin de progresser.
    En tout cas, chapeau bas Supercell pour tous les pigeons qu’ils ont trouvés.